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La charge mentale des femmes musulmanes maghrébines

Mots clés :

Définition

La charge mentale est un concept sociologique désignant la charge cognitive portée par les individus, souvent les femmes, dans le cadre de la gestion du foyer au quotidien.

En d’autres termes, la charge mentale, c’est lorsque vous avez tellement de choses à penser, à gérer, à mettre en place que vous en arrivez à un certain épuisement mental. C’est lorsque le mental est tellement sollicité qu’il en vient à fatiguer le corps. Lorsque l’on pense à tout, tout le temps, pour tout le monde ; l’impression de devoir tout gérer en permanence et d’être parfait sur tous les plans de notre vie.

Evidemment, cela touche majoritairement les femmes qui – dans la plupart des foyers – ont le double du travail de l’homme, sans compter si celles-ci travaillent d’autant plus.

Effectivement, les femmes qui ont une activité en dehors de leur foyer, qu’elle soit professionnelle ou autre ou les deux, sont bien sûr davantage exposées à la charge mentale, car elles doivent – dans leur foyer – penser au travail et au travail, penser à leur foyer.

La charge mentale est aussi reconnaissable par le fait qu’elle amène bien évidemment une certaine forme de culpabilité à la personne qui la subit et c’est cette sorte de culpabilité qui va, finalement, challenger la personne en question à faire toujours plus et toujours mieux.

L’épisode 2 de la série « Viens débattre », animé et écrit par Kerima Chelbab

https://youtu.be/zju88sXLmKk

Mon cas personnel 🪧

Je vais ici vous parler de moi-même afin de vous donner un exemple concret de charge mentale, sachant que je suis LOIN d’être la seule à le vivre, nous sommes quasiment toutes dans cette situation, mais le fait est qu’ayant énormément d’activités dans mon quotidien, l’exemple est donc parlant.

  • Je suis, avant toutes choses, une croyante donc, j’ai ma vie spirituelle à gérer.
  • Puis, je suis autrice, donc, ma passion à gérer ;
  • puis, je suis professeure de philo, donc, mon travail à gérer ;
  • j’ai aussi une association, donc, le bénévolat,
  • j’ai une forte activité sur les réseaux avec ma chaîne YouTube, le podcast ALO avec Anna, Viens débattre, Nos sœurs ont du talent, Dine and Think, etc.
  • Et puis, je suis sportive, donc, j’ai mon activité sportive à gérer.
  • Enfin, je suis mariée depuis peu, donc, j’ai ma vie sentimentale à gérer et reliée à cela mon foyer puisque mon mari travaille énormément, rentre extrêmement fatigué, ce qui rend logique le fait que je fasse plus de choses à la maison que lui.

Si on voulait imager, tout ce que je viens d’énoncer, toutes ces activités pourraient être représentées sous formes de strates, d’étages si vous voulez qui viennent se superposer sur ma conscience, dans mon esprit. C’est la façon dont est symboliquement souvent imagée la charge mentale et la façon dont je me la représente.

Le cas des femmes musulmanes MAGHRÉBINES 🧕🏻

La raison pour laquelle je voulais insister sur le cas de la charge mentale chez les femmes musulmanes maghrébines, c’est car avant tout, j’en suis une MAIS AUSSI parce que cela me semble – de tout ce que j’ai vu jusqu’à présent – démultiplié dans ce cas.

ENCORE UNE FOIS, GROS DISCLAIMER : ici, ce n’est pas la religion qu’on va mettre en cause puisque de nombreuses paraboles coraniques & prophétiques démontrent que la femme COMME l’homme doivent participer à la vie du foyer. C’est, encore une fois, plutôt quelque chose de culturel.

Le cas de celles qui restent à la maison 🏡

Effectivement, le fait que les femmes puissent travailler, avoir une activité hors de leur foyer reste encore assez novateur et moderne dans pas mal de mentalités, en particulier dans la mentalité maghrébine. De coutume, les femmes restent à la maison pour s’occuper du foyer et des enfants tandis que les hommes partent travailler dehors. C’est une sorte de modèle qui a persisté pendant des années tant et si bien qu’on a pu finir par le confondre avec la religion.

Effectivement, rien n’empêche dans l’Islam la femme d’aller travailler, cf. Khadija, cf. Shifa, etc. (voir ma série YouTube « Femmes d’Islam, Femmes d’exception »)

Mais, étant donné qu’à une certaine époque, le salaire 💰 d’un homme suffisait au foyer ou tout simplement les mentalités n’étaient pas aussi ouvertes que cela, les femmes restaient donc à la maison et à force de voir ce modèle, on l’a certainement pris pour religieux tandis qu’il n’est que culturel.

Tout cela pour dire que dans l’imaginaire de beaucoup de personnes et d’hommes en particulier, je l’ai vécu pour vous le dire, une femme qui reste à la maison, ce n’est pas vraiment une femme qui travaille, elle est chez elle après tout. En ce sens que le travail domestique, l’entretien du foyer n’est ainsi pas vu comme du travail, comme quelque chose pouvant être pénible ou difficile, non.

Combien de fois, j’ai entendu des hommes faire ainsi ce genre de remarques :

« Mais elle ne travaille pas, elle a bien le temps ! ».

Puisque la femme reste chez elle, à l’intérieur, on ne voit pas ce qu’elle fait comme du travail. Et c’est là le grand problème, car la charge mentale qu’elle porte, qui lui pèse n’est pas vue comme telle par l’extérieur, par les hommes. Au contraire, on trouve ça normal puisqu’elle reste à la maison. Ce n’est pas interprété comme une charge mentale, mais plutôt comme quelque chose d’allant de soi, d’inné qu’elle devrait naturellement porter.

Le fait que la femme reste à l’intérieur, chez elle, dans son confort quotidien apparait ainsi comme une sorte de rempart contre toute forme de pénibilité, de dureté, de travail en somme. Alors que, dans les faits, le travail domestique n’est pas forcément moins dur que le travail à l’extérieur.

Travailler toute la journée dans la maison à faire le ménage, le repas, les linges, l’éducation des enfants, etc. n’est pas plus simple que d’être assis toute la journée devant un bureau, ce sont des choses différentes.

Là où la charge mentale intervient donc chez ces femmes à l’intérieur de chez elles, c’est finalement quand elles se rendent compte qu’une fois le mari et les enfants rentrés, le travail n’en finit pas, car, maintenant, elles doivent s’occuper des nouveaux arrivés.

La charge mentale est très présente chez ces femmes qui n’ont pas d’activité en dehors de chez elles car elles n’ont pas de SOUPAPE d’extériorisation, si vous voulez. Elles n’ont à proprement parler pas ce moment, quand on rentre chez nous après une longue journée de travail, pour se dire : « ok, je suis rentrée, c’est fini » puisqu’elles cumulent tous leurs rôles et tâches à l’intérieur du même endroit, ce qui produit ainsi un effet de trop plein, de surplus, d’implosion.

Sans compter encore une fois sur la culpabilité qu’on lui impose de l’extérieur lorsqu’elle n’a pas – par exemple – réalisé telle ou telle tâche :

« Mais tu étais à la maison toute la journée, t’as eu le temps ! »…

Dans ce cas précis, à mon sens, c’est l’impossibilité d’extérioriser, de passer d’un endroit identifié à celui du travail à un endroit identifié à celui du repos qui accentue la charge mentale.

On a aussi vu cela dans le cas du télétravail. Même s’il apporte des avantages incroyables et non négligeables, le télé travail pose le sérieux problème de la dissociation entre le monde précisément du foyer, domestique, du repos et du confort et celui du travail. En brouillant les frontières entre ces deux espaces vitaux, le télétravail s’est donc vu problématique puisqu’il n’y avait pas de réelle coupure entre l’espace de la maison et celui du travail. Ce qui, évidemment, ne pouvait qu’accentuer la charge mentale. Tout simplement car, pour la plupart des gens, une fois qu’ils ont quitté le travail et sont rentrés à la maison, ils ne pensent plus ou alors beaucoup moins à celui-ci. Mais si ce travail se trouve dans le même endroit que leur maison, comment faire une vraie coupure ?

La vision a donc un vrai rôle ici dans le bien-être mental.

Le cas de celles qui ont une activité hors de la maison 💪🏻

Néanmoins, il faut aussi dire que les femmes avec une activité professionnelle hors de chez elle souffrent tout autant et peut-être même plus de la charge mentale. Effectivement, comme on l’a dit en intro, la charge mentale est très présente dans les deux sphères de la vie de ces femmes : quand elles sont au travail, elles pensent à ce qui les attend à la maison, à leurs devoirs, à leurs tâches domestiques, etc. et quand elles sont à la maison, elles pensent à leurs obligations professionnelles, etc.

Alors, oui, il y a donc bien cette soupape de respiration dans cette séparation précisément entre travail et maison, mais celle-ci n’est pas assez épaisse et durable, car elle est toujours parasitée par des inquiétudes liées aux deux domaines.

Je dirai même que la charge mentale chez ces femmes est plus vicieuse car, quand une femme rentre à la maison du travail & se plaint qu’elle a encore tout à faire à la maison, il y a souvent deux grandes réactions :

  • « T’as voulu faire la femme moderne et travailler, maintenant, tu assumes ».
  • « C’est bon, tu as du repos, ne te plains pas ».

Ce qui, évidemment, ferme complètement la discussion et le débat puisque dans les deux cas, on pose une culpabilisation sur elle.

Dans le premier cas, on retrouve aussi souvent cette espèce de punition sur les femmes qui ont « OSE » s’émanciper en allant travailler comme si leur maison était toute leur vie, en mode : « tu as voulu aller travailler et faire la féministe, maintenant assume : travail + maison ». C’est une chose que j’ai beaucoup entendue encore une fois dans les milieux arabes, maghrébins un peu extrémistes au niveau religieux. Comme si la femme devait, en fait, payer au prix fort sa « liberté », son « émancipation professionnelle » avec le double du travail.

Et le plus vicieux, à nouveau, c’est que l’on fait passer cette charge mentale RÉELLE et CONCRÈTE pour une simple fatigue, dans le pire des cas pour des caprices de la part des femmes alors que cela va bien évidemment beaucoup plus loin que cela, on parle d’une vraie pression psychologique qui peut avoir des conséquences dramatiques : burn-out, dépression nerveuse, etc.

On réduit malheureusement très vite cela dans la communauté maghrébine à des chichis, des jérémiades, des manières alors que c’est quelque chose de très réel.

Pourquoi la charge mentale touche moins les hommes musulmans maghrébins ?

Car, malheureusement, encore une fois, NON PAS ISLAMIQUEMENT mais culturellement, on a laissé croire que les hommes, une fois à la maison, une fois rentrés du travail, n’avaient plus ou presque plus de charges à effectuer. Étant donné que l’on a laissé croire que L’ENTIÈRETÉ de la vie du foyer reposait sur les épaules de la femme, alors, forcément, une fois rentrés du travail, on laissait penser aux hommes qu’ils étaient dans un repos absolu et que la maison signifiait pour eux un havre de paix et de repos.

Évidemment donc, quand il rentre après une journée de travail épuisante et que sa femme, fatiguée, vient se plaindre et lui demander un peu d’aide, il ne peut qu’être outré. Ce qui peut se comprendre au vue de sa fatigue personnelle à lui, mais ce qui peut se comprendre de son côté à elle aussi, qui a dû tout assumer toute seule toute la journée. C’est malheureusement donc à cause de ce cliché qu’on a laissé s’installer selon lequel soi-disant le rôle de l’homme s’arrêtait à son travail et non pas à l’espace domestique qui a certainement conduit en grande partie à cette situation. Et puisqu’on ne considère pas le travail domestique de la femme comme un vrai travail, alors, quand elle vient demander de l’aide à son mari après qu’il soit rentré du travail, celui-ci lui répondra certainement : « Mais j’ai travaillé toute la journée » sans comprendre qu’elle aussi…

On a le droit de craquer

Vivant la charge mentale comme vous toutes mais étant particulièrement personnellement dans le contrôle et la productivité à outrance, je m’interdisais de flancher et de me reposer, quitte à finir ma to do list à plus de minuit passé.

Mais, j’ai compris que cette productivité était complètement néfaste : le lendemain, je n’arrivais pas à me réveiller tôt et, finalement, je grillais une bonne partie de la matinée à dormir. Alors que j’aurai tout simplement pu me réveiller plus tôt et, ainsi, tout faire en une journée.

Maintenant, j’essaie de ne plus vivre en fonction de mes to do list même si je continue à en faire. Plutôt, j’essaie d’avoir de la RAHMA, de la miséricorde à mon propre égard en ne m’auto flagellant pas lorsque je n’ai pas tout coché sur ma to do list. Ainsi, la charge mentale diminue un peu, car elle est étroitement liée à la pression de tout faire. Je me dis de plus en plus que ce n’est pas grave si je n’ai pas tout fait et que ça ne change rien à ma valeur. Et puis, oui, je craque aussi.

Je pleure quand c’est trop, je me laisse submerger par mes émotions en évitant de les refouler.

NE VOUS LAISSEZ JAMAIS DIRE que vous devez restreindre vos émotions, c’est mauvais. Les gérer, oui, mais pas les nier ou les renier. Si vous avez envie de pleurer, faites-le, ça fait un bien fou.

Nos émotions existent, Allah nous a fait naître avec, on doit bien sûr les réguler, mais aussi leur donner leurs droits : PLEURE. C’est à cause de ces clichés selon lesquels c’est hchouma de pleurer, de se plaindre, de demander de l’aide, etc. qu’on en est précisément arrivés là : au fait qu’on trouve normal qu’un être humain ait à tout gérer sans broncher. Non, ce n’est pas humain. Et les mamans de l’ancien temps qui le faisaient ne pleuraient peut-être pas mais croyez-moi qu’elles souffraient tout comme nous.

Les solutions

  • Lâcher prise !
  • Se rappeler qu’Allah ne nous demande en aucun cas une chose au-delà de nos capacités.
  • Se rappeler aussi que notre corps est une amana 🡪 surcharger notre cerveau d’informations, se mettre la pression, vivre à 200 à l’heure, tout cela est bien évidemment mauvais pour notre organisme sans parler de notre esprit. Et on rendra des comptes sur cela.
  • Être organisée, faire des to do list, avoir bien sa vie en main, c’est très bien mais il ne faut pas faire dépendre notre bonheur et notre valeur de cela. En mode : « si je n’ai pas réussi à tout faire, je ne suis pas efficace, je suis nulle, etc. ».
  • Demander de l’aide à ceux qui nous entourent : mari, enfants, famille. Leur faire comprendre via la communication bienveillante qu’on est à bout de souffle et qu’on a BESOIN d’être épaulée.
  • Rompre avec ces clichés & idées limitantes qui nous bouffent la vie et qui ont la DENT DURE chez les maghrébins : c’est la honte de demander de l’aide, je dois m’en sortir seule, les femmes restent à la maison… Ce sont des clichés qui n’ont aucun fondement et qui ne font que nous enfoncer…
  • Faire de la méditation/dhikr chaque jour au moins quinze minutes. Dans nos vies suroccupées, surchargées et à deux-cent à l’heure, se poser avec Dieu ne serait-ce que quinze minutes afin de se recentrer est vraiment primordial. Cela permet déjà d’orienter notre cœur vers Dieu, ce qui, forcément le placera dans une disposition de sérénité : « N’est-ce pas avec le dhikr d’Allah que s’apaisent les cœurs ? » de faire baisser la pression et de couper avec le flot d’informations, de pressions, etc. Prendre soin de sa santé mentale.

Qu’Allah nous facilite !

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YouTube :  « Viens débattre » Ep 2 : La charge mentale des femmes maghrébines musulmanes. – YouTube

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